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Le blog UltraDanse.com regroupe les billets écrits par
Christian Rolland, danseur, enseignant, auteur et éditeur de livres
portant sur la danse. N'hésitez pas à ajouter un commentaire
sur cet article.
Cette fois-ci, j'ai eu envie de vous parler de ce qui se passe
à l'étranger.
Un article du journal anglais "The Guardian" m'a récemment
interpellé. Il avait pour titre "Daggering is dirty but it's what kids do",
autrement dit "Pratiquer le daggering c'est sale, mais c'est ce que font
les gamins." En lisant l'article, j'ai un peu pensé à la Soca Dance
des années 90, mais les vidéos m'ont convaincu que cela allait un
peu plus loin. Voyons donc de quoi il s'agit...
L'article du Guardian commence comme ceci :
The idea of it is to dance as wildly, as noisily, as furiously as you can; expose yourself as much as possible if you are a woman; and kick as high as you can, no matter which sex you belong to.
L'idée derrière cela est de danser
le plus sauvagement, bruyamment et furieusement que l'on peut, de s'exposer de plus possible si l'on est une femme et de
donner des coups de pied aussi haut que possible peu importe votre sexe.
L'article fait allusion au cancan que Mark Twain évoquait
dans "Le voyage des innocents" en 1869. Cet écrivain décrit dans ce texte
les scènes qui nous viennent à l'esprit lorsque l'on dit "French Cancan" :
des filles qui saisissent leur robe à deux mains et lancent leurs jambes
le plus haut possible. En réalité le texte que j'ai traduit ci-dessus
est exactement le texte de Mark Twain, repris par la journaliste du Guardian.
On le voit, à chaque époque correspond son lot de danses scandaleuses.
En son temps, il y a eu la valse, puis le rock, puis le twist, puis...
Mais le daggering va encore plus loin que toutes ces danses.
Le daggering dont il s'agit ici est une manière
bien particulière de se trémousser en boîte de nuit. Une description
succincte devrait suffire à vous en donner une idée : l'homme se colle
derrière la femme, le premier met ses mains sur les hanches de la seconde
alors que celle-ci se penche en avant avant que les protagonistes ne
se mettent à gesticuler du bassin de manière très suggestive. S'ils
n'étaient pas habillés, on pourrait penser à autre chose, mais il paraît
que c'est une forme de danse. Je vous passe ici un certain nombre
de détails et de variantes plus ou moins acrobatiques
que vous pourrez aisément trouver sur
Internet en tapant le mot sur Google. J'ai essayé de trouver une photo
d'illustration la plus soft possible, mais j'avoue que cela n'a pas
été facile, alors vous n'aurez que des dessins...
Certains appellent aussi cette manière de "danser" le "dry humping"
qui, littéralement, est un nom plus explicite puisqu'il signifie "niquer à sec"
(désolé pour les âmes sensibles, mais c'est la traduction la plus proche
que j'aie pu faire). Cette pratique consiste donc à simuler un rapport
sexuel devant potentiellement des centaines de personnes. Il est donc impossible
que faire le daggering si les deux partenaires ne sont pas consentants.
Aussi explicite qu'elle soit, cette "danse" extrême est issue d'une certaine manière de danser
dans les Caraïbes et des musiques de type "Dancehall" que l'on passe
en boîte de nuit. Et si l'on regarde un peu plus de 20 ans en arrière,
on trouve une certaine analogie avec le soca (aussi appelée la "soca dance").
La soca dance est apparue en France en 1990 sur le titre du même nom
interprété par Charles D. Lewis, un Antillais installé en Allemagne.
Suite au succès de la lambada
l'année précédente, les producteurs de TF1 ont recherché la danse
de l'été pour prendre la suite et ce fut la soca dance.
Tous ceux qui ont regardé la télévision à cette époque se rappellent
le clip tourné sur une place et où les personnes filmées
ondulaient du bassin de manière suggestive les unes derrières
les autres. Sans oublier les filles en maillot jaune suggérant
la fameuse marque de boisson pétillante à l'orange partenaire
de l'opération. Plus de 500 000 disques ont été vendus à l'époque.
Contrairement à la lambada, dans la soca, on roule des hanches
et il n'y a pas réellement de figures identifiables.
Le soca est en réalité un style musical issu du calypso
dont on a accéléré le tempo. Le mot "soca" vient du "so" de
la musique soul et du "ca" du calypso.
La Compagnie Créole a en premier importé en France
ce style issu de l'île de Trinidad via leur
titre "Soca party sur la plage" en 1986.
Pour ce qui est du calypso, les Français en ont souvent entendu
au milieu des années 1950 et ont pu danser langoureusement
sur des titres comme "Banana Boat Song"/"Day-O" d'Harry Bellafonte
(titre utilisé dans le film "Beetlejuice" pour faire danser
malgré eux les convives d'un repas, une scène qui m'amuse toujours).
Le calypso se dansait déjà de manière langoureuse, à petits pas et
avec une mobilité des hanches (mais une distance
de quelques centimètres était de rigueur entre les partenaires), et
le soca en a hérité les bases.
Pour finir cet article, je vais reprendre
une image (ci-contre) qui circule sur Internet et les réseaux sociaux.
Elle donne en quatre images une certaine évolution de la manière
de danser dans les soirées "jeunes". En 1970, on pouvait encore trouver
de nombreuses personnes dansant à deux dans les règles de bienséance.
En 1980, c'est la continuité du disco et chacun pour soi. En 1990,
c'est la soca dance et les rapprochements suggestifs des hommes derrière les
femmes. Enfin en 2011, c'est le daggering et là, tout est très explicite
avec le consentement des femmes qui en rajoutent. Même si ce n'est qu'une
branche extrême de l'évolution (on continue toujours à beaucoup danser
en couple avec les règles de savoir-vivre et les adeptes du daggering sont
une minorité), cela doit aussi sûrement dénoter d'une certaine évolution
de la société, passée d'un modèle d'autorité patriarcale à un modèle
plus libéral pour ce qui concerne les plus jeunes. Il paraît que cette
manière de danser se rencontre de plus en plus fréquemment dans les
mariages aux USA. Si cela se passe entre adultes consentants, cela
peut encore passer, mais il semble que les adolescents
(et même les préadolescents à partir de 11 ans !) s'approprient
de plus en plus cette mode un peu violente sur les bords. Tout cela
se fait via des vidéos sur Internet et non pas le canal des
clips vidéo diffusés à la télévision. Comme le "Guardian", les médias anglophones parlent
beaucoup de cette pratique qui est devenue un sujet de société.
En tout cas, il semble que
l'on ait d'ores et déjà recensé des séquelles au niveau du bas ventre
de certains pratiquants mâles un peu trop exaltés. Comme quoi, mieux vaut
parfois garder quelques distances...
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